Le gel des transactions dans l’immobilier de bureaux pendant le confinement va se traduire en 2020 par une chute de 35 % de la demande placée d’espaces de coworking en France. Toutefois, de nouvelles perspectives pourraient bien venir chambouler le marché… On fait le point avec Xerfi *.
Après une forte expansion entre 2015 et 2019, les perspectives du marché du coworking s’annoncent plus modérées d’ici à 2023. D’abord parce que WeWork ne jouera plus le rôle de locomotive du marché. Ensuite car le rythme de progression des autres gros opérateurs des espaces hybrides XL (Wojo, Spaces) se maintiendra à raison d’une à deux ouvertures par an. Enfin, la nature de l’offre va changer. Visiblement les opérateurs ne miseront plus sur des espaces situés en cœur de ville mais sur des prestations pour compte de tiers (propriétaires ou utilisateurs) dans le cadre de ce qu’on appelle désormais le « corporate-working » ou corpoworking. Cela correspond à la mise en place d’espace(s) de coworking à destination des salariés de l’entreprise, qui peut être réalisée pour les salariés et/ou également accessible à des prestataires, fournisseurs. « Le placement de cohortes de salariés en télétravail et la recherche de réduction des coûts de la part des entreprises sont quelques-uns des facteurs de changement qui vont impacter le marché à moyen terme », précise l’étude Xerfi.
L’usage accru du télétravail est en effet à prévoir dans les années à venir, sur un modèle d’environ un à deux jours par semaine pour une partie des salariés. Cette nouvelle organisation devrait engendrer une baisse des coûts de l’immobilier pour les entreprises, qui en période de faible visibilité, pourraient également être tentées de recourir aux offres d’immobilier tertiaire sans engagement pour limiter le poids des charges fixes. Selon Xerfi, l’entrée en vigueur de la norme IFRS 16, qui intègre les contrats de location dans les bilans, sera aussi de nature à favoriser l’utilisation de bureaux flexibles.
Le bureau « opéré » tire son épingle du jeu
Le décollage futur du bureau opéré (par un tiers) va faire entrer l’hospitality dans les immeubles tertiaires. Le jeu concurrentiel à moyen terme va en effet évoluer vers des passerelles de plus en plus marquées avec le monde de l’hôtellerie et l’hospitality ainsi que par un positionnement mixte en tant qu’exploitant d’espaces gérés en propre et prestataire de services dans l’aménagement, le clés en main et le bureau opéré. « Si les services sur site pourraient connaître un coup d’arrêt avec la crise, le renforcement de l’offre aux utilisateurs semble une tendance lourde. Le bureau opéré présente l’avantage de s’adresser aux détenteurs de surfaces, en proposant des solutions de valorisation et d’attractivité accrue des actifs immobiliers« , souligne Vincent Desruelles, auteur de l'étude Xerfi. Les modèles d’affaires s’inspirent d’ailleurs des pratiques de l’hôtellerie à travers l’utilisation de contrats de management. L’essor du bureau opéré sera par ailleurs soutenu par la nécessité de monétiser les surfaces inutilisées, de plus en plus nombreuses avec la crise.
« Si les services sur site pourraient connaître un coup d’arrêt avec la crise, le renforcement de l’offre aux utilisateurs semble une tendance lourde. Le bureau opéré présente l’avantage de s’adresser aux détenteurs de surfaces, en proposant des solutions de valorisation et d’attractivité accrue des actifs immobiliers »
« Les mutations du marché portent sur les besoins utilisateurs, en particulier en matière de flexibilité des engagements et de besoins de surfaces en complément pour s’adapter à la nouvelle donne dans les entreprises (flex office, télétravail, etc.). Du côté des propriétaires de bâtiments tertiaires, les offres de bureaux opérés ou clés en main s’affirment comme de nouveaux modes d’exploitation permettant de limiter le nombre d’interlocuteurs et d’externaliser l’activité locative (commercialisation, gestion)« , complète Vincent Desruelles. Les exploitants d’espaces hybrides s’affirment ainsi comme la catégorie d’acteurs les mieux positionnés, à travers leur positionnement étendu. Ils s’affirment d’ailleurs selon Xerfi comme les principaux animateurs du marché des bureaux opérés en phase de constitution.
Qui sont les acteurs ?
On retrouve deux acteurs anglo-saxons, WeWork (une quinzaine de sites) et Regus (130 implantations en France), qui dominent le marché tricolore des bureaux flexibles. Trois opérateurs d’espaces flexibles complètent le tableau (Wojo, Morning et Spaces). Une poignée de compétiteurs ferment la marche comme Starway, Kwerk ou Newton Offices. Plusieurs groupes immobiliers proposent des offres entre le coworking et le clé-en- mains, à l’image de Covivio ou du groupe rennais Legendre, qui visent en priorité des groupes et PME. Deskeo (Knotel) fait la course en tête sur le segment du clé-en-mains avec plus d’une cinquantaine d’implantations.
Critère discriminant entre offreurs, la taille mais aussi les services proposés. La variété des services disponibles (salles de conférence, salle de sport, espaces communs de détente et restauration…) ainsi que la qualité de l’aménagement constituent un marqueur fort de l’identité des enseignes.
Mais, en réalité, la concurrence entre les opérateurs se joue surtout au niveau local. Il s’agit de fait d’accéder aux meilleurs emplacements dans une agglomération, en particulier en Ile-de-France qui truste environ un tiers des centres.
In fine, l’extension des réseaux reste au cœur des stratégies des opérateurs. Un glissement vers le service aux entreprises s’est aussi manifesté avec le lancement d’offres de conception et exploitation de bureau sur mesure (Morning par exemple). Des offres d’accompagnement du télétravail ont également émergé (accueil des salariés dans les centres, conseil et assistance à la mise en place du télétravail au domicile).
* Xerfi a publié une nouvelle étude « Les opportunités post-crise sur le marché du coworking et des bureaux flexibles – Leviers et perspectives de croissance à l’horizon 2023 »
Source : Les opportunités post-crise sur le marché du coworking et des bureaux flexibles – Leviers et perspectives de croissance à l’horizon 2023 »
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