L’état de santé psychique des travailleurs s’est fortement dégradé début 2021 avec un doublement du risque dépressif et une forte détérioration de la santé perçue.
La crise sanitaire et les mesures mises en place pour freiner la propagation du virus ont conduit à de considérables changements au sein du monde du travail : l’activité s’est réduite ou a été stoppée dans certains secteurs alors qu’elle augmentait dans d’autres ; l’organisation du travail a été modifiée pour s’adapter au contexte (diffusion du télétravail, réorganisation du collectif de travail…) ; les conditions d’emploi ont évolué avec l’extension du recours au chômage partiel.
L’étude de la DARES du 28 mai 2021(1) décrit les conséquences concrètes de la crise sanitaire sur les conditions de travail et les risques psychosociaux des actifs occupés, après une enquête sur la durée et les rythmes de travail, l’usage des outils numériques, le télétravail, l’(in) sécurité sanitaire et économique, les exigences émotionnelles, le soutien social au travail, les conflits éthiques, l’articulation vie privée/vie professionnelle, la prévention sur les lieux de travail. Concernant la santé, le questionnaire a recueilli des éléments sur la santé perçue, les douleurs, les troubles du sommeil, le bien-être psychologique ainsi que la contamination à la covid-19 et son éventuel lien avec le travail.
L’enquête auprès des personnes de 20 à 62 ans ayant travaillé au moins une semaine depuis le début de la crise sanitaire, a été réalisée auprès de 50 000 personnes tirées au sort dans le fichier Fidéli (taxe d’habitation), en particulier les actifs en activité partielle (ou chômage partiel), ainsi que ceux ayant occupé un emploi au cours de l’année 2020, mais sans emploi au moment de la collecte, afin de décrire les raisons de leur sortie de l’emploi, leur situation actuelle notamment en matière de recherche d’emploi et leurs perspectives.
Selon cette étude, l’état de santé psychique des travailleurs s’est fortement dégradé début 2021 avec un doublement du risque dépressif et une forte détérioration de la santé perçue. La crise a induit une intensification du travail, une hausse de l’insécurité de l’emploi, mais aussi souvent un sentiment d’utilité accru.
– La moitié des travailleurs n’ont pas connu de changements de leurs conditions de travail
La plus grande partie des travailleurs (54 %) estime avoir eu une relative stabilité des conditions de travail par rapport à l’avant-crise sanitaire. Les ouvriers, et dans une moindre mesure les agriculteurs et les employés, sont davantage présents dans ce groupe que le reste de la population. Il en est de même pour les hommes et les personnes de plus de 45 ans. Ces actifs travaillent davantage dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et de la construction : l’activité y est plus stable et le télétravail moins répandu. La plupart des travailleurs de ce groupe n’ont pas d’objectifs chiffrés, précis, à atteindre ou ces objectifs ont été adaptés par rapport à l’avant-crise.
– Pour un tiers des personnes en emploi, le travail s’est intensifié mais le sens du travail s’est renforcé : Sont majoritairement représentés dans ce groupe le secteur de la santé humaine et de l’action sociale (établissements hospitaliers et structures médicales, Ephad etc.), l’enseignement et le commerce de détail. Sont également majoritairement représentés les femmes, les cadres et les professions intermédiaires. Ces personnes ont fait face à l’afflux de patients contaminés et/ou aux réorganisations des structures pour protéger des occupants fragiles, ou encore à la nécessité d’accueillir élèves, étudiants ou clients en respectant les protocoles sanitaires.
Dans ce groupe, l’activité s’est accompagnée d’une réorganisation des collectifs de travail pour tenter de faire face à cette surcharge de travail. Les travailleurs sont ainsi nombreux à déclarer une plus grande autonomie, recevoir plus d’aide de leurs chefs et collègues et de respect pour le travail réalisé. Un quart des individus de ce groupe déclarent un renforcement du sens de leur travail, conforme au caractère « essentiel » attribué à ces activités.
– Un travailleur sur dix a connu une dégradation importante de ses conditions de travail : Pour 11 % des actifs, les conditions de travail se dégradent nettement et les risques psychosociaux augmentent sensiblement. Sont particulièrement représentés les femmes, le secteur de l’enseignement et certains secteurs des services comme les activités bancaires et d’assurances. Les cadres et professions intermédiaires y sont également nombreux, au contraire des employés, des ouvriers, des artisans, commerçants et chefs d’entreprises. Les télétravailleurs sont surreprésentés dans ce groupe : ils sont 41 % contre 30 % en moyenne.
Dans ce groupe, les transformations entrainées par la crise ont conduit à entraver l’exercice du travail, du fait de problèmes de coopération au sein du collectif, de difficultés à maîtriser les outils numériques. Les trois quarts de ceux qui utilisent des outils numériques rencontrent des difficultés avec leur usage. Beaucoup font état d’une moins bonne adaptation des moyens disponibles pour effectuer correctement leur travail (matériels, logiciels, information, formation, espace de travail, etc.).
Plus d’un tiers des travailleurs de ce groupe déclarent que leurs objectifs chiffrés n’ont pas été adaptés par rapport à l’avant crise sanitaire. Ces conditions de travail dégradées et cet isolement relatif du reste du collectif de travail conduisent à des exigences émotionnelles accrues : 70 % sont davantage « bouleversés, secoués, émus » qu’avant la crise sanitaire, soit trois fois plus que pour l’ensemble de la population.
– Une faible minorité d’actifs occupés bénéficient d’une amélioration relative de leurs conditions de travail : Pour 4 % des actifs est intervenue une relative amélioration de leurs conditions de travail. Il s’agit davantage de jeunes (moins de 34 ans) et d’hommes, ainsi que d’ouvriers et d’employés. Pour ces personnes, l’activité y a été partiellement arrêtée, par exemple pour les établissements culturels recevant du public, ou la vente à emporter pour le secteur de la restauration. Ces transformations ont conduit à une diminution importante de la charge de travail.
Même si la majorité des actifs interrogés en février-mars 2021 décrivent des conditions de travail plutôt stables par rapport à l’avant-crise, la quantité de travail à fournir par les actifs occupés a globalement augmenté. Ils sont nombreux à déclarer qu’ils travaillent plus longtemps qu’avant la crise sanitaire, plus souvent en horaires décalés (le soir, la nuit, très tôt le matin) et de façon plus intense.
L’intensité émotionnelle dans le travail a également bondi : la crise sanitaire a conduit à une hausse du sentiment d’insécurité de l’emploi, un travailleur sur quatre déclarant craindre davantage pour son emploi qu’avant. Toutefois, le constat est plus nuancé sur les autres dimensions des conditions de travail. Les travailleurs qui déclarent avoir bénéficié de plus d’autonomie, de coopération et de soutien social au travail ou d’une adaptation de leurs objectifs chiffrés sont presque aussi nombreux que ceux qui ont perçu l’inverse.
Ces résultats contrastés illustrent la grande diversité des situations de travail pendant la crise sanitaire. Les personnes pour lesquelles le travail s’est intensifié ou dégradé ont respectivement 3 et 8 fois plus de risques de déclarer souffrir davantage de troubles du sommeil qu’avant la crise, d’avoir des douleurs plus fréquentes ou plus fortes, ou d’être en situation de risque élevé de dépression. Ils ont également de 2 et 4 fois plus de risques d’avoir un état de santé altéré.
Source : DARES
Si vous souhaitez réaliser un diagnostic RPS, nous vous invitons à consulter notre page « Identifier, évaluer et prévenir les RPS« .