En bref
La délibération d’un CHSCT qui concerne de manière générale les conditions de travail dans l’entreprise ou l’exposition aux risques professionnels sans autre précision ne suffit pas à justifier une expertise. Cela vaut pour le CSE.
Dans les entreprises de 50 salariés et plus, le comité social et économique peut se faire assister par un expert habilité (C. trav., art. L. 2315-94) en cas d’introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ou lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement.
Sous peine de contestation de la part de l’employeur, le CSE a vraiment intérêt à soigner la rédaction de sa délibération en y faisant clairement ressortir le cas de recours et les faits qui justifient selon lui l’expertise. Autrement dit, il doit motiver sa décision par des éléments factuels suffisamment précis.
Par exemple, en cas d’expertise pour risque grave, il ne suffirait pas de s’en tenir à une considération générale relative à une dégradation des relations sociales au sein de l’entreprise (CA Nancy, 6 mai 2010, n° 08/1007) ou encore d’un risque général de stress lié aux diverses réorganisations mises en œuvre dans l’entreprise (Cass. soc., 14 nov. 2013, n° 12-15.206).
Ce qu’il ne faut vraiment pas faire
Une nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation, impliquant un CHSCT mais applicable au comité social et économique, nous offre une parfaite illustration de ce qu’il ne faut vraiment pas faire. Par délibération du 18 juillet 2018, le CHSCT de l’établissement de Reyrieux de la société ITM Logistique Alimentaire International décide de se faire assister par un expert ayant pour mission de finaliser l’enquête du CHSCT du 8 janvier 2018, avec une synthèse et une analyse de la situation conformément à la demande de l’inspecteur du travail, d’analyser les conditions de travail et leur évolution sur le périmètre de l’établissement de Reyrieux, d’évaluer l’exposition aux risques professionnels résultant des conditions dans lesquelles les salariés sont amenés à faire leur travail et d’aider le CHSCT à dégager les pistes de réflexion et d’action pour prévenir la survenance de ces risques le plus en amont possible.
Risque grave objectivement constaté
À la demande de l’employeur, la délibération est annulée par le tribunal de grande instance. Un ultime recours en cassation du CSE, qui s’était entre-temps substitué au CHSCT, n’y changera rien. Comme avaient pu le constater les juges, cette délibération concernait de manière générale les conditions de travail dans l’entreprise ou l’exposition aux risques professionnels sans autre précision et, de ce fait, ne visait ni l’existence d’un risque grave, ni l’existence d’un projet important.
Le risque grave doit être préalable à l’expertise, c’est-à-dire objectivement constaté (Cass. soc., 25 nov. 2015, n° 14-11.865). Le comité social et économique ne peut pas compter sur l’expertise pour caractériser le risque grave, c’est à lui de le faire. Pour cela, il lui faudra des faits tangibles, qui devront être corroborés par des PV de réunion, des rapports d’inspection ou d’enquête du CSE ou de la commission santé, sécurité et conditions de travail, des courriers du médecin du travail, des témoignages de salariés, des chiffres sur le nombre d’arrêts de travail, de départs de l’entreprise, etc.
Frederic Aouate, Guide CSE
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