Ni le tout-présentiel, ni le 100 % télétravail. C’est, en substance, la position des salariés français qui exercent des métiers compatibles avec le travail à distance. L’hybridation du travail semble partie pour rester, et les managers ont un rôle décisif à jouer pour réussir cette transition. Décryptage…
En France, le modèle hybride est (largement) préféré au tout-télétravail
En France, le télétravail est plébiscité… mais pas à n’importe quel prix. Dans son enquête sur le phénomène de la Grande Démission, 360 E-learning explique que 74 % des salariés français plébiscitent le télétravail partiel. Toutefois, seuls 4 % d’entre eux « démissionneraient » si l’entreprise les obligeait à regagner leur bureau à temps plein.
Ce constat rejoint les conclusions d’une étude réalisée par Allianz Trade, qui montre que les salariés français sont moins réceptifs au télétravail que leurs voisins européens. En effet, moins d’un Français sur huit exprime une volonté de « télétravailler beaucoup », contre un Allemand sur cinq.
Dans une autre étude réalisée par la Dares, 52 % des salariés dont le métier peut être exercé à distance se disent favorables à un modèle hybride, à raison d’une à deux journée(s) maximum en télétravail. Un quart des sondés se laisserait tenter par trois à quatre jours de télétravail et seuls 8,2 % des salariés se disent favorables au télétravail à plein temps.
Le modèle hybride semble donc recueillir les faveurs de la majorité des actifs, et les entreprises ne semblent pas réticentes à cette configuration. Selon les enquêtes, entre 27 % et 55 % des salariés français travailleraient aujourd’hui dans un format hybride.
Globalement, les employeurs ont pu constater pendant la pandémie qu’il était parfaitement possible de mettre en place une organisation de travail plus flexible, grâce notamment aux outils de travail collaboratif, sans impacter la productivité et l’engagement des équipes. À bien des égards, les managers sont la clé de cette transition, et s’imposent comme les garants opérationnels de sa réussite, au quotidien.
Trois conseils essentiels pour réussir la gestion d’équipes hybrides
#1 L’équité et la cohésion : deux facteurs de succès décisifs pour les équipes hybrides
Pour les managers, la cohésion des équipes et le sentiment d’appartenance sont deux leviers décisifs, que ce soit au niveau de la performance globale ou du bien-être au travail. En règle générale, la configuration hybride ne concerne pas la totalité des salariés, ce qui crée de facto une scission « physique » entre les télétravailleurs partiels et les travailleurs qui évoluent en présentiel à temps plein.
Dans ce contexte, le manager doit impérativement prévenir la culture du « eux » et du « nous » en adoptant une posture d’équité et en véhiculant une culture de respect mutuel. Il sera particulièrement attentif aux symptômes de la « dualité » au sein d’une même équipe :
- Les collaborateurs travaillant en entreprise peuvent penser que les télétravailleurs ont une charge de travail allégée ;
- Les télétravailleurs peuvent reprocher à leurs collègues qui évoluent en présentiel de les mettre à l’écart ou de faire de la rétention d’information.
Pour préserver la cohésion de ses équipes et prévenir la « planification », il devra à la fois travailler sa communication, encourager le lien social et trouver un certain équilibre dans les avantages associés à chaque mode de travail :
- Ne pas hésiter à valoriser l’apport des télétravailleurs, que ce soit auprès des salariés en présentiel ou des télétravailleurs eux-mêmes ;
- Favoriser, dans la mesure du possible, les échanges par téléphone ou visioconférence plutôt que les emails ou la messagerie instantanée qui ne laissent pas de place à l’informel ;
- Naturellement, le manager peut avoir tendance à accorder davantage de temps et d’attention aux collaborateurs travaillant au bureau, ce qui peut accentuer le gap entre les deux équipes. Le temps, l’attention et le soutien accordés à chaque employé ne doivent pas dépendre de son lieu de travail ;
- Créer un espace de discussion (sur Slack ou Skype par exemple) pour les discussions informelles ;
- Créer des occasions pour rassembler l’équipe physiquement ;
- Informer systématiquement les télétravailleurs des décisions qui concernent l’entreprise ou l’équipe ;
- Si les récompenses et autres avantages accordés aux équipes ne sont pas compatibles avec le télétravail, le manager devra s’assurer que l’entreprise propose des alternatives équivalentes aux télétravailleurs ;
- Se montrer flexible avec les salariés travaillant sur place, en leur donnant par exemple une certaine latitude pour gérer leurs horaires (aller chercher les enfants à l’école par exemple), dans la mesure du possible.
#2 Le stack technologique conditionne le succès du travail hybride
S’il est aujourd’hui possible de passer outre les contraintes géographiques dans certains secteurs d’activité, c’est avant tout grâce aux évolutions technologiques, notamment la démocratisation du haut débit, le développement des outils collaboratifs et l’évolution des solutions de visioconférence. La pertinence du stack technologique et la qualité de l’équipement informatique conditionnent directement le succès du travail hybride.
Le manager doit s’assurer que ses équipes, qu’elles soient en présentiel ou à distance, disposent d’ordinateurs capables de « faire tourner » des outils de travail collaboratifs comme Google Drive ou Microsoft OneDrive. Il doit également s’assurer que ses collaborateurs disposent d’un équipement informatique performant : des machines qui embarquent des caméras correctes, en mesure d’afficher une image de qualité raisonnable, que ce soit pour gérer les réunions externes (clients, fournisseurs, partenaires…) ou internes, des micro-casques de qualité, etc. La qualité de la connexion internet des télétravailleurs est également capitale. Ces questions doivent être réglées au moment de l’accord de télétravail avec le salarié.
Pour ce qui est des logiciels, l’entreprise doit mettre au point une stratégie rationnelle et formelle pour éviter d’empiler les solutions, mais aussi pour accompagner les utilisateurs et s’assurer qu’ils utilisent les outils collaboratifs dans leur plein potentiel.
#3 Adapter les méthodes d’évaluation des performances
Par définition, des critères comme le temps de présence au bureau deviennent caduques dans une configuration hybride. Le manager gagnerait à mettre l’accent sur la qualité du travail produit, le respect des deadlines et d’autres KPIs qualitatifs, en fonction des spécificités du secteur d’activité. La pertinence de la méthode d’évaluation des équipes hybrides impacte directement l’équité dans les opportunités d’évolution de carrière, un autre point de vigilance important.
Selon une étude Allianz Trade, les Français expliquent leur scepticisme à l’égard du 100 % télétravail par l’absence de contact, le flou entre vie privée et vie professionnelle et la raréfaction des opportunités d’évolution professionnelle.
Et selon une enquête signée Deloitte, 60 % des femmes en télétravail ont le sentiment d’être « exclues des réunions », et 50 % craignent de ne pas avoir « le contact nécessaire avec leurs supérieurs pour faire progresser leur carrière ».