Les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont la première cause de maladies professionnelles indemnisées en France depuis plusieurs années. En 2020, ils représentaient presque 9 maladies professionnelles sur 10 reconnues selon la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie (CNAM). Ce problème de santé au travail est également partagé dans de nombreux pays. C’est un phénomène considérable et à considérer. Mais de quoi parlons-nous exactement ?
Ce terme, de plus en plus couramment utilisé, qualifie des troubles de l’appareil locomoteur affectant de manière temporaire ou durable les tissus mous péri-articulaires (les muscles, les tendons, les ligaments, les nerfs, les vaisseaux sanguins, les bourses séreuses ou encore les cartilages) d’une ou plusieurs régions anatomiques. Ils peuvent s’exprimer par de la gêne, de la douleur, de la raideur, de la maladresse, une perte de force, mais aussi, par des engourdissements ou des picotements. Ces dernières années, les chiffres de l’assurance maladie mettent en lumière que les membres supérieurs sont les plus touchés par les TMS à hauteur de 90%, avec une part de 40% localisés aux niveaux des mains et des poignets. Dans ce sens, nous retrouvons des atteintes comme les tendinopathies, le syndrome du canal carpien au poignet, les épicondylites au coude, ou encore, le syndrome de la coiffe des rotateurs à l’épaule.
Ces atteintes ont plusieurs conséquences importantes. Elles peuvent dégrader la qualité de vie des salariés via les douleurs, des restrictions d’aptitude, ou encore, en favorisant la désinsertion professionnelle (Aublet-Cuvelier, et al., 2023). Elles peuvent également impacter la performance de l’entreprise via de nombreux coûts directs et indirects (absentéisme et remplacement, perte de productivité et de qualité, désorganisation des équipes et dégradation de l’ambiance de travail pouvant faire apparaître de nouveaux cas de TMS, mauvaise image de l’entreprise, hausse du taux de cotisation, etc.). Selon l’INRS, le coût moyen comprenant les soins et les indemnisations, d’un TMS est supérieur à 21 000 euros.
Ainsi, le diagnostic et la prise en charge précoce de ces maladies pour lesquelles l’activité professionnelle peut jouer un rôle dans la genèse, le maintien ou l’aggravation, apparaît donc comme un enjeu majeur pour les entreprises. Par conséquent, cet article met en lumière les potentielles origines multiples, évolutives et cumulatives de ces dernières, puis, il donne des informations afin d’aborder ou de poursuivre une prévention adaptée et efficace de ce phénomène notamment en incluant l’ergonomie.
L’ORIGINE DES TMS : DES FACTEURS MULTIPLES, EVOLUTIFS, QUI SE CUMULENT
Les troubles musculo-squelettiques ont diverses causes, évolutives et souvent cumulatives, ce qui complexifie la compréhension et la prévention de ce phénomène. Nous en retrouvons à forte composante professionnelle mais également d’autres comme extra-professionnelles ou individuelles.
Les principaux facteurs de risques selon l’INRS
Les facteurs individuels
Ils sont liés aux caractéristiques intrinsèques des individus telles que l’âge, le genre ou encore l’état de santé. Par exemple, l’avancée en âge, des antécédents de maladies ou de fractures peuvent favoriser l’apparition de TMS.
Les facteurs physiques/biomécaniques
Ces derniers regroupent les gestes répétitifs, le travail statique, le travail demandant des gestes précis, les efforts excessifs, les positions et amplitudes articulaires extrêmes maintenues de manière prolongée ou répétée. L’exposition aux vibrations et au froid constituent des facteurs aggravants. Par exemple, la répétition d’un même geste entraîne une sur sollicitation d’une ou plusieurs mêmes articulations favorisant à long terme l’apparition de fatigue musculaire, de douleurs ou de pathologies type TMS.
Les facteurs psychosociaux
Ils représentent la pression temporelle, le manque d’autonomie et de marge de manœuvre, le manque de soutien social, le travail monotone, la charge de travail excessive, l’avenir professionnel perçu comme incertain, constituent des facteurs psychosociaux. Ces derniers peuvent être sources de stress alors même que les effets du stress en liaison avec les TMS sont multiples. Les forces de serrage et d’appui sont accrues, la tension musculaire s’accroît, le temps de récupération s’allonge.
Les facteurs organisationnels
Il peut s’agir du manque de pauses, d’entraide, de polyvalence permettant d’alterner entre des tâches plus ou moins sollicitantes, ou encore, la durée de travail excessive. Cela peut augmenter le risque de TMS en ne permettant pas de récupération suffisante par exemple.
Des facteurs qui évoluent : l’exemple du développement du travail sédentaire
La société et le monde du travail connaissent des mutations importantes qui changent la façon d’aborder la problématique des TMS. En effet, la tertiarisation du travail, la plateformisation, les nouvelles technologies, les nouvelles formes d’emplois, de travail et d’organisation, l’évolution des interactions au sein des collectifs, sont des mutations qui font sans cesse évoluer les facteurs organisationnels, psychosociaux et physiques du travail à l’origine de l’apparition des TMS et ainsi notre regard et nos connaissances sur ces derniers (Aublet-Cuvelier, et al., 2023). Il faut donc tenir compte de ses changements pour mener une prévention efficace. Pour illustrer ce propos, nous pouvons donner comme exemple le fait que les TMS sont depuis longtemps communément associés à des éléments relevant de la dimension physique du travail et de l’hyper sollicitation. Cependant, les mutations récentes du monde du travail avec notamment la montée des tâches sur écran et le développement du télétravail ont fait émerger une nouvelle problématique : le comportement sédentaire. Un facteur de risque de TMS longtemps sous-estimé. En effet, le travail en position statique avec une très faible intensité de l’effort, prolongé avec très peu de possibilités de variations de mouvements ou de postures, contribue tout autant à la survenue de la fatigue du système musculosquelettique (Aublet-Cuvelier, et al., 2023).
PRÉVENTION DES TMS ET ERGONOMIE : DÉMARCHES ET EXEMPLES DE MESURES
Le développement des connaissances sur l’origine multifactorielle de ces pathologies a conduit à proposer une approche de la prévention particulière, soutenue en ergonomie. Elle est centrée sur l’identification, puis sur l’action au niveau de ces facteurs, vus comme des leviers permettant l’amélioration de la santé et de la performance (Aublet-Cuvelier, Claudon & Cuny-Guerrier, 2023).
Une démarche structurée autour de la caractérisation et la réduction des facteurs de risque via l’analyse du travail réel
Les démarches de prévention des TMS doivent être structurées et fonctionner comme un processus d’amélioration continue autour de la mobilisation des acteurs, la communication et l’évaluation. Cela favorise le développement d’une culture de prévention dans les entreprises, pour une prévention efficace et durable (Capitaine, Claudon, Cuny-Guerrier, Keranguevan, Peris, & Vasselin, 2024).
Les démarches de prévention des TMS reposent souvent sur des étapes similaires telles que :
● L’évaluation du risque. L’objectif est de s’assurer de l’engagement des acteurs, d’identifier les enjeux, de cibler les situations potentiellement à risque de TMS. Plus le périmètre va se restreindre, plus les outils de collecte et d’analyse seront précis.
● L’analyse ergonomique du travail. Le but est d’identifier les déterminants liés aux différents facteurs de risque sur lesquels agir pour améliorer les situations du point de vue de la prévention des TMS. Cela doit se faire avec une approche participative en discutant des déterminants et de l’activité avec les salariés.
● La transformation des situations de travail. Cette étape vise à mettre en place des actions de prévention dans le but de supprimer ou réduire l’exposition aux facteurs de risque en agissant sur leurs déterminants. La recherche des pistes d’action doit impliquer les acteurs.
● L’évaluation et le suivi des mesures mises en œuvre. L’objectif est d’identifier les écarts entre les effets attendus et ceux observés en suivant des indicateurs pouvant montrer une évolution (exemple : nombre d’absences, nombre d’AT/MP, données sur la performance, données de dialogue social, comme le nombre de réunion sur la problématique des TMS réellement produite, nombre de salariés formés, etc.). L’objectif est de maintenir une mobilisation et de faire évoluer en fonction des besoins les actions de prévention.
L’apport de l’ergonomie : des exemples de mesures pour réduire les risques
Pour supprimer ou réduire l’exposition aux facteurs de risque des TMS, de nombreuses actions de prévention sont envisageables. On peut observer différents types de solutions pour agir à différents niveaux, et donc agir efficacement :
● Les mesures techniques. Elles peuvent concerner l’aménagement de l’espace et du poste de travail pour réduire des contraintes physiques, mais aussi, les choix ou la conception des outils et des équipements de travail comme de protections. Il est également possible de réduire l’effort en utilisant des aides techniques. Par exemple, les exosquelettes et le développement de la robotique collaborative sont de nouvelles technologies de plus en plus utilisées dans une perspective de prévention de TMS pour limiter les astreintes musculaires. Pourtant leur implantation (qui peut changer les process et les méthodes de travail) doit être préalablement évaluée pour s’assurer qu’elle n’instaure pas de nouvelles contraintes au niveau des facteurs psychosociaux et organisationnels.
Les ergonomes peuvent effectuer ce travail d’étude pour mettre en évidence leurs apports réels et s’assurer que la mesure est adaptée et efficace (Aublet-Cuvelier, et al., 2023).
● Les mesures organisationnelles. Ces dernières peuvent favoriser l’entraide, diminuer les facteurs de stress, favoriser les pauses collectives pour encourager les temps d’échanges, éviter le travail en situation d’isolement géographique ou social, ou encore, de s’assurer de donner des marges de manœuvre aux salariés. Par exemple, pour prévenir les TMS dans les entreprises, l’ergonome peut concevoir des organisations (process, processus) tenant compte de la suppression des facteurs de risque des TMS, pour qu’elle soit favorable à la santé des salariés et à la performance.
● Les mesures humaines. Elles relèvent de tout ce qui est de l’ordre des actions de sensibilisation et de formation aux risques et à sa prévention (transmission de savoirs faire, l’accueil des nouveaux arrivants, etc.). L’ergonomie propose dans ce sens des formations pour prévenir le risque de TMS. Cela peut être des sessions de formations régulières pour sensibiliser les salariés aux gestes et postures ainsi qu’aux habitudes de travail saines, comme le fait d’apprendre à soulever une charge en limitant les risque, à reconnaître des postures contraintes pour sa santé, ou encore, à utiliser les aides techniques de manière efficace. L’entreprise peut également organiser des programmes de bien être comme le yoga, la sophrologie, des exercices de renforcement musculaire ou encore des étirements.
La prévention des TMS apparaît donc comme un enjeu majeur pour les entreprises afin de garantir le bien-être des salariés ainsi que sa performance. Ainsi, comprendre les causes et les origines multiples, cumulatives et évolutives de ces pathologies, puis, agir dessus le plus précocement possible en intégrant les acteurs de l’entreprise, devient donc essentiel pour réduire leurs conséquences négatives.
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BIBLIOGRAPHIE
- Aublet-Cuvelier, A., Buchmann, W., Caroly, S., Clabault, H., Coutarel, F., Major, M. E., Piette, A., Roux, N., Savescu, A., & Vézina N., (2023). 4ème Congrès francophone sur les troubles musculosquelettiques (TMS). Références en santé au travail, n°174, pp.97-111.
- Aublet-Cuvelier, A., Claudon, L. & Cuny-Guerrier, A., (2023). La marge de manœuvre dans la prévention des TMS : de quoi s’agit-il ? Comment l’interroger ?, Hygiène & sécurité du travail, n°270, pp. 5-10.
- Capitaine, L., Claudon, L., Cuny-Guerrier, A., Keranguevan, L., Peris, E., & Vasselin, A., (2024). Démarche de prévention des troubles musculosquelettiques (TMS). Démarche de prévention | Risques, ed. 6518.