La santé mentale est une composante clé du bien-être général, définie par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme un état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler de manière productive et d'apporter une contribution à la communauté. Elle ne se limite pas à l'absence de troubles mentaux, mais englobe un large éventail d'états, du bien-être psychologique à la détresse temporaire. La santé mentale influence notre capacité à prendre des décisions, à nouer des relations et à bâtir le monde dans lequel nous vivons.
La santé mentale est un droit fondamental et une composante essentielle du développement personnel, communautaire et socio-économique. Elle varie en fonction des expériences individuelles, des degrés de difficulté et de souffrance, et peut se manifester de différentes manières sur le plan clinique et social.
Trois notions clés de la santé mentale :
- Santé mentale positive : Elle se réfère à l'état de bien-être, à l'épanouissement personnel, aux ressources psychologiques et aux capacités à agir dans ses rôles sociaux. Une santé mentale positive est caractérisée par un sentiment de maîtrise, de résilience et de satisfaction dans la vie.
- Détresse psychologique : Il s'agit d'une réaction normale à des situations éprouvantes ou à des difficultés existentielles, comme le deuil ou un échec relationnel. Cette détresse, souvent marquée par des symptômes anxieux ou dépressifs, est généralement transitoire. Bien qu'elle ne nécessite pas toujours de soins spécialisés, elle peut, si elle est mal repérée ou mal accompagnée, évoluer vers des troubles plus graves.
- Troubles psychiatriques : Ces troubles, qui varient en termes de durée et de sévérité, incluent des affections telles que la dépression, l'anxiété, les psychoses, etc. Ils nécessitent une prise en charge médicale et peuvent avoir des conséquences majeures, allant du handicap à l'exclusion sociale et la discrimination.
En France, les « maladies psychiatriques » associées à l’ensemble des « traitements chroniques par psychotropes » (dont les anxiolytiques et hypnotiques) représentent 14 % des dépenses totales et le premier poste de dépense de l’Assurance Maladie. Ils représentent la première cause d’années vécues avec une invalidité. Ils sont responsables de 35 à 45 % de l’absentéisme au travail.
Déterminants de la santé mentale : approche Bio-Psycho-Sociale
La santé mentale est le résultat de l'interaction complexe entre des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux.
- Facteurs biologiques : Les prédispositions génétiques, les maladies, les altérations neurologiques et l'usage de substances psychoactives peuvent rendre certaines personnes plus vulnérables aux troubles mentaux.
- Facteurs psychologiques : Les compétences émotionnelles, les mécanismes de gestion du stress, l'estime de soi, les croyances, la résilience sont des éléments clés influençant la santé mentale.
- Facteurs sociaux : L'exposition à des conditions socio-économiques défavorables, à la violence, aux inégalités et à des environnements de travail stressants peut compromettre la santé mentale. Les relations sociales, le soutien de la communauté et la qualité de l'éducation jouent également un rôle protecteur.
Ces facteurs peuvent agir à tous les stades de la vie. Par exemple, l'exposition à des traumatismes durant l'enfance peut avoir un impact durable sur la santé mentale. De même, les pressions sociales et économiques à l'âge adulte, comme la pauvreté, la discrimination ou un environnement de travail toxique, peuvent accroître le risque de troubles mentaux.
Facteurs de risque pour la santé mentale
Les facteurs de risque pour la santé mentale sont multiples et varient en intensité. Ils incluent :
- Les circonstances sociales et économiques défavorables : La pauvreté, l'instabilité financière, les inégalités et l'exclusion sociale sont des facteurs de risque majeurs. Les populations vivant dans des contextes de conflits, de catastrophes naturelles ou de crises sanitaires, comme la pandémie de COVID-19, sont particulièrement vulnérables.
- Les conditions de travail : Les environnements de travail stressants, le manque d'autonomie, l'insécurité de l'emploi, le harcèlement et les discriminations sur le lieu de travail sont autant de facteurs qui peuvent nuire à la santé mentale.
- Les facteurs individuels et sociaux : Des éléments tels que la faible estime de soi, l'isolement social, les antécédents de traumatismes, de violence, ou d'abus augmentent le risque de développer des troubles mentaux.
Il est crucial de noter que l'exposition à un facteur de risque ne conduit pas automatiquement à un trouble mental. Les effets dépendent souvent de l'interaction entre différents facteurs de risque et de protection.
Facteurs de protection pour la santé mentale
Les facteurs de protection sont des éléments qui renforcent la résilience et réduisent la probabilité de développer des troubles mentaux. Ils incluent :
- Les compétences psychosociales : Des compétences telles que la gestion des émotions, la résolution de problèmes et la capacité à établir des relations positives renforcent la résilience face aux adversités.
- Le soutien social : Les relations positives avec la famille, les amis et la communauté, ainsi que le sentiment d'appartenance, contribuent à un meilleur bien-être mental.
- Un environnement sain : Un accès à des services de santé mentale de qualité, un travail décent, une éducation de qualité et la sécurité sont essentiels pour promouvoir une bonne santé mentale.
La promotion de la santé mentale nécessite donc des interventions à différents niveaux, de l'individu à la communauté, et l'adoption de politiques qui favorisent l'équité sociale et économique.
Santé mentale et travail
Le travail est un élément central de la vie et a un impact majeur sur la santé mentale. Un environnement de travail sain, offrant de l'autonomie, de la reconnaissance et un équilibre entre vie professionnelle et personnelle, peut être une source d'épanouissement. Cependant, un environnement de travail néfaste, caractérisé par une surcharge de travail, un manque de soutien et une faible autonomie, peut contribuer à l'apparition de troubles tels que le burnout, la dépression et l'anxiété.
Selon le baromètre de Santé Publique France en 2017, le taux de prévalence de dépression (épisode dépressif caractérisé) parmi les actifs occupés était de 8,2%. Les femmes présentaient une prévalence deux fois plus élevée que les hommes (11,4% vs 5,3%). Les taux de prévalence étaient significativement différents chez les hommes selon le secteur d’activité. Les secteurs les plus touchés étaient l’hébergement et la restauration ainsi que les activités financières et d’assurance.
Selon une enquête sur le Conditions de Travail de 2016, un quart des salariés interrogés se déclarent en très bonne santé et près de la moitié en bonne santé. Cependant, près de 10 % des individus présentent des symptômes d’un épisode dépressif majeur (EDM) ou d’un trouble d'anxiété généralisée (TAG), avec 6 % souffrant d'un EDM et 6,4 % d'un TAG. De manière plus large, 17,2 % des salariés ont déclaré avoir ressenti de l’humeur dépressive dans les deux dernières semaines, et 17,3 % ont indiqué avoir été anxieux presque tous les jours au cours des six derniers mois. Près d’un tiers des salariés ont un score WHO-5 (World Health Organization Well-Being Index ) considéré comme faible, indiquant un bien-être psychologique réduit.
D'autres indicateurs de santé mentale issus de l'enquête montrent que 13 % des salariés ont des troubles de sommeil régulièrement, bien que la prise de somnifères ne soit pas généralisée. De plus, 5,3 % des salariés ont eu des pensées suicidaires dans les 12 derniers mois, dont 1,7 % à cause du travail.
Impact de la Crise Covid-19 sur la santé mentale des salariés
La santé mentale des salariés s'est fortement dégradée entre 2019 et 2021 en raison de la crise Covid-19, comme le montrent les enquêtes CT-2019 et Tracov. Le score WHO-5, utilisé pour mesurer cette évolution, révèle une baisse notable sur tous ses aspects, avec un impact particulièrement important sur l'intérêt pour la vie quotidienne au travail, indiquant une baisse de motivation et d'engagement. En 2021, on observe une augmentation du nombre de salariés ayant des scores inférieurs à 5, signe d'une détérioration du bien-être. La distribution non-linéaire du score suggère que les salariés hésitent à exprimer un bien-être total dans le contexte actuel.
Impact du télétravail sur la santé mentale
Le télétravail a eu des conséquences négatives sur la santé mentale, en particulier pour les seniors. Les résultats montrent que le télétravail subi, évalué en 2021, augmente significativement la probabilité d'une santé mentale dégradée, notamment à travers la dégradation du sommeil et la perte d'énergie. En revanche, le télétravail choisi, évalué en 2016 et 2019, n'a pas d'impact significatif. Le contexte dans lequel le télétravail est mis en œuvre influence donc directement l'état de santé mentale des salariés.
Pour remédier aux effets négatifs du télétravail subi, l'OCDE recommande la promotion du droit à la déconnexion pour éviter les horaires de travail excessifs et le droit de refuser le télétravail pour contrer ses externalités négatives. L'utilisation de dispositifs technologiques de qualité et d'outils performants est également essentielle pour assurer une bonne circulation de l'information et un télétravail de qualité.
Nécessité d’agir
L'action en matière de santé mentale est d'une urgence capitale. Les troubles mentaux pèsent lourdement sur les dépenses de santé et constituent une cause majeure d'incapacité. Pourtant, il existe des stratégies abordables et efficaces pour promouvoir, protéger et restaurer la santé mentale. Il est essentiel de mettre en place des interventions visant à renforcer les compétences psychosociales et à améliorer les facteurs de protection environnementaux, en particulier dans le milieu professionnel. La prévention du suicide, la sensibilisation et la formation de différents publics sont tout aussi cruciales. Les programmes de promotion de la santé mentale, tels que les formations, sont des outils précieux pour aider chacun à reconnaître et à répondre de manière appropriée aux signes de détresse mentale.
Sources :
Organisation mondiale de la Santé. (2013). Plan d'action global pour la santé mentale 2013-2030. [Comprehensive Mental Health Action Plan 2013-2030].
Guignard, R., & Beck, F. (2019). La dépression dans la population active occupée en France en 2017. Baromètre santé 2017. Santé publique France.
Blasco, S., Rochut, J., & Rouland, B. (2024). Impact de l’intensification et de l’autonomie au travail sur la santé mentale. Valorisation de la recherche, N°4. Université du Mans, Cnav, Université de Nantes.