Le 6 juillet 2020, les Éditions Législatives ont organisé un webinaire sur le télétravail (voir le replay ici). Retrouvez ci-dessous les questions posées par les participants, ainsi que les réponses apportées. Les entreprises peuvent-elles continuer à laisser leurs salariés en télétravail après le 10 juillet sans accord ou charte ? Les entreprises peuvent toujours continuer à faire télétravailler leurs salariés, même si elles ne disposent ni d’une charte ni d’un accord. Le télétravail reste une mesure sanitaire à la disposition de l’employeur pour protéger les salariés contre l’épidémie de covid-19. Elle peut être imposée, tant que la situation épidémique n’est pas terminée, si les conditions sanitaires ne peuvent pas être mises en place dans les locaux de l’entreprise pour assurer la protection de la santé des salariés Dès l’instant où les entreprises ont rouvert leurs locaux et peuvent accueillir l’ensemble des salariés avec des mesures sanitaires suffisantes, le télétravail suppose l’accord du salarié. Jusqu’à quelle date peut-on considérer que l’employeur n’a pas à prendre en charge les frais liés au télétravail ? Lorsque le salarié a engagé des frais pour télétravailler, l’employeur doit les lui rembourser sur la base d’un justificatif. En revanche, bon nombre d’entreprises avaient prévu dans leur charte ou leur accord une prime forfaitaire par jour télétravaillé pour les salariés passés en télétravail avant la Covid-19. Ces accords ne s’appliquaient souvent qu’à ces salariés et non pas à ceux qui étaient en télétravail forcé du fait de l’épidémie. Il ne faut toutefois pas en déduire que ces derniers n’ont pas le droit au remboursement des sommes qu’ils ont engagées pour télétravailler. Faut-il signer un accord pour mettre en œuvre le télétravail ? Pour mettre en place le télétravail, l’entreprise peut soit : La signature d’un accord ou la rédaction d’une charte ne sont pas obligatoires. Elles sont vivement conseillées dès lors que le recours au télétravail est régulier, car elles permettent de fixer un cadre collectif. En revanche, l’accord du salarié est impératif. Une entreprise ne peut jamais imposer le télétravail (sauf durant la période d’état d’urgence) Un accord doit-il être conclu dans une entreprise où le télétravail est volontaire et libre ? Non, l’entreprise n’y est pas tenue. L’employeur doit-il obligatoirement essayer de négocier un accord ou peut-il directement faire une charte ? Si l’entreprise dispose en son sein de délégués syndicaux, elle doit tenter de parvenir à un accord avec eux. A défaut, seulement, elle peut rédiger une charte. En l’absence de délégués syndicaux, l’entreprise peut directement rédiger une charte. Elle n’est pas obligée d’essayer de parvenir à un accord avec le CSE, par exemple, avant de mettre en œuvre la charte. Peut-on négocier l’accord avec le CSE à défaut de délégués syndicaux dans l’entreprise ? Oui. Ce n’est pas une obligation. En l’absence de CSE, devons-nous faire un accord ou une charte ? Les deux sont possibles. A défaut de délégués syndicaux, comment l’entreprise doit-elle procéder pour négocier un accord télétravail ? Elle peut négocier l’accord avec les membres titulaires du CSE (mandatés ou non par un syndicat représentatif) ou avec des salariés mandatés par une organisation syndicale représentative. L’avis du CSE est-il uniquement consultatif ? Un avis négatif du CSE sur la charte n’empêche pas l’entreprise de mettre en place le télétravail. La charte doit-elle être annexée au règlement intérieur pour avoir une portée juridique ? Il n’est pas nécessaire d’annexer la charte au règlement intérieur pour lui donner une existence juridique. La charte est prévue par la loi. Ce n’est d’ailleurs pas conseillé car l’annexer au règlement intérieur compliquera la modification ultérieure éventuelle de la charte. Dans le cadre d’un accord d’entreprise, la direction nous demande des contreparties. Peut-elle l’exiger ? C’est le jeu de la négociation : le recours au télétravail n’est pas une obligation pour l’entreprise (sauf durant l’état d’urgence). En présence d’un accord d’entreprise signé sur le télétravail, faut-il informer et consulter le CSE sur sa mise en place ? L’obligation de consultation du CSE sur les projets d’accord n’existe plus. En revanche, il est possible de l’informer de l’existence de l’accord ou de sa signature imminente. L’employeur qui refuse le télétravail à un salarié doit-il motiver son refus ? Lorsque l’employeur a admis le télétravail pour certains salariés, il doit expliquer les raisons pour lesquelles il s’y oppose pour d’autres. Il devra en particulier justifier son refus si le salarié remplit les conditions prévues par l’accord ou la charte. L’état de santé du salarié peut-il justifier la demande de télétravail ? Oui. Le télétravail est d’ailleurs souvent une mesure préconisée par le médecin du travail. Après de nombreux départs, la société prévoit de supprimer l’agence mais il reste un salarié. Peut-elle obliger le salarié à télétravailler ? Elle doit au préalable obtenir son accord. Le principe d’égalité est-il respecté entre des services qui peuvent télétravailler et les autres ? L’intérêt d’un accord ou d’une charte est de fixer les règles collectives. Parmi ces règles figurent les services éligibles au télétravail. Une entreprise peut parfaitement décider d’interdire le télétravail à certains services. Existe-t-il un risque de discrimination entre salariés jugés capables de télétravailler et d’autres non ? Le risque est réel. C’est la raison pour laquelle il est préférable dans l’accord ou la charte de lister les services/personnes exigibles et les qualités requises pour télétravailler. Afin de pouvoir expliquer et objectiver l’éventuel refus. L’ordonnance du 22 septembre 2017 évoque le télétravail « régulier » et le télétravail « ponctuel ». Comment différencier les deux ? Cette distinction n’existe plus depuis la loi de ratification du 5 septembre 2018. L’entretien annuel doit-il être organisé également pour les personnes télétravaillent ponctuellement ? L’entretien prévu à l’article L.1222-10 du code du travail vise toute personne en télétravail. En cas de signature d’un accord ou de l’existence d’une charte, l’entreprise doit-elle faire signer un avenant au contrat de travail au salarié ? Dans les deux cas, l’entreprise doit obtenir l’accord du salarié. Cet accord peut être obtenu par tout moyen. Un avenant au contrat n’est pas obligatoire mais c’est le moyen le plus sûr juridiquement. Dans tous les cas, il convient de privilégier un accord écrit du salarié. Que risque l’entreprise si elle ne rédige pas d’avenant au contrat de travail ? Rien. Mais en cas de contentieux avec le salarié, l’avenant permet d’identifier précisément les conditions de recours au télétravail. Si le télétravail est libre pour certains salariés, faut-il tout de même rédiger un avenant ? L’entreprise n’y est pas tenue, dès lors que c’est sur la base du volontariat et que ce recours est sporadique. A minima, il convient de demander au salarié d’informer de ses jours télétravaillés. Qu’en est-il des entreprises où cohabitent des salariés soumis à la charte et d’autres qui continuent de télétravailler après le confinement sans avoir signé d’accord ? Cette situation existe dans bon nombre d’entreprises. En principe, si l’entreprise dispose d’une charte, celle-ci vaut pour tous les salariés (il en va de même pour l’accord). La situation actuelle post-confinement est exceptionnelle et temporaire. Quels sont les frais et dépenses pris en charge ? Les frais visés sont tous ceux engendrés par le télétravail qui sont nécessaires à l’exercice par le salarié de son activité : électricité, chauffage, consommables pour une éventuelle imprimante… Le remboursement des frais peut se faire soit sur la base de frais réels (sur justificatifs) soit sur la base d’un forfait. L’Urssaf admet un forfait de 10 euros maximum par jour télétravaillé, net de charges. Quel est le texte qui impose la prise en charge des frais lors du télétravail ? Les dispositions légales sur le télétravail ne l’imposent plus, mais cette prise en charge ressort clairement de la jurisprudence de la Cour de cassation. « Les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur, doivent lui être remboursés sans qu’ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu’il n’ait été contractuellement prévu qu’il en conserverait la charge moyennant le versement d’une somme fixée à l’avance de manière forfaitaire » (arrêt du 25 mars 2010). Un accord sur le télétravail peut-il exonérer l’employeur du remboursement des frais liés au télétravail ? La Cour de cassation ne l’admet pas pour une clause du contrat de travail. Il en ira de même pour une clause d’un accord collectif ou d’une charte. S’il existe une charte de télétravail, l’indemnité forfaitaire est-elle obligatoire ? Non. Si le salarié engage des frais pour télétravailler, il pourra en obtenir le remboursement sur justificatifs. Si le télétravail est fait de façon volontaire, l’entreprise doit-elle payer les frais, notamment liés à l’utilisation d’internet ? Dans la majeure partie des situations, le passage en télétravail ne majore pas le montant du forfait internet. Il n’y a donc aucun frais supplémentaire à prendre en charge. Si le montant est revu à la hausse du fait et pour le télétravail, la prise en charge du surcout est due. Pour l’électricité ou le chauffage, le calcul de la consommation supplémentaire n’est pas aisé. C’est la raison pour laquelle le versement d’un forfait est plus simple et surtout plus sûr en cas de contrôle Urssaf. Même si le choix est laissé au salarié de télétravailler ou non, les frais existants liés au télétravail doivent être pris en charge. L’employeur peut-il s’assurer du bon niveau de connexion internet ? Si l’activité requiert un débit minimum, l’employeur peut demander au salarié si sa connexion permet le travail à distance. Si ce n’est pas le cas, l’employeur peut refuser le télétravail. Il ne peut en revanche pas imposer au salarié de changer de fournisseur. La prime de sujétion est-elle due en cas de situation d’urgence ? La réponse est incertaine et dépend du cas de figure. A priori non si le télétravail reste la seule mesure sanitaire applicable (c’est-à-dire si l’entreprise ne peut s’assurer de la mise en place de mesures sanitaires satisfaisantes dans les locaux du travail) car la situation de télétravail est subie par l’employeur et non volontaire. Est-il préférable de prévoir une prime ou une prise en charge des frais ? A notre sens, le versement d’une prime forfaitaire, admise aujourd’hui par les Urssaf (dans la limite de 10 euros par jour télétravaillé), est plus simple et plus sûre en cas de contrôle Urssaf. Le forfait de 10 euros peut-il couvrir l’achat d’un siège ergonomique ou d’autre frais liés au télétravail ? La somme de 10 euros est souvent prévue pour couvrir les frais courants générés par le télétravail (électricité, chauffage…) et non pour des dépenses ponctuelles dont le montant dépasserait substantiellement l’indemnité forfaitaire de frais. En cas de contentieux, l’entreprise prend un risque. Les indemnités kilométriques doivent-elles être toujours payées ? Faute de déplacement, en toute logique, non. Comment le salarié justifie-t-il les frais supplémentaires, pour l’électricité par exemple ? C’est compliqué. Cela peut se faire en démontrant l’écart de consommation entre une période sans télétravail et une période avec télétravail. Mais ce n’est pas toujours facile : durant le confinement, toute la famille était assignée à résidence, ce qui peut fausser le calcul. L’employeur est-il obligé de prendre en charge le surcout d’assurance habitation du salarié ? Dans la très grande majorité des cas, il n’y a aucun surcout de l’assurance habitation du fait du télétravail. Si ce devait être le cas, et que ce surcout est généré par le télétravail, l’employeur devrait le prendre en charge. L’entreprise doit-elle prévenir son assureur de la pratique du télétravail par ses salariés ? A notre sens non. En revanche, l’entreprise doit obtenir de ses salariés en télétravail une attestation confirmant leur assurance habitation. L’employeur doit-il procéder à la vérification de l’installation électrique au domicile des salariés ? C’est ce que prévoit l’article 7 de l’accord interprofessionnel du 19 juillet 2005 sur le télétravail. Doit-on absolument avoir une attestation de la part du salarié ? Une attestation de la part du salarié est préférable. Une clause insérée dans l’avenant est également possible, dans laquelle le salarié atteste de la conformité de son installation électrique. Un accident en télétravail est-il considéré comme un accident de travail ? L’accident qui survient pendant les horaires de travail du télétravailleur est présumé être un accident du travail. Le collaborateur peut-il demander un dédommagement lorsqu’il bénéficie habituellement d’un restaurant d’entreprise ? A défaut de précision dans les textes, il n’y a pas de dédommagement pour compenser la fermeture de la cantine pour les salariés en télétravail. Les télétravailleurs peuvent-ils bénéficier de tickets restaurants ? Si les salariés sur site bénéficient de tickets restaurants, l’entreprise ne peut pas en priver les télétravailleurs. Lorsque le salarié peut poser des heures de RTT au-delà des 7 heures par jour sur site, l’employeur peut-il retirer cette possibilité en télétravail ? Non. Les salariés en télétravail ont les mêmes droits que les salariés sur site. Comment procéder au contrôle des heures ? L’employeur doit opérer le même contrôle que pour les salariés sur site. Existe-t-il une limite en nombre de jours télétravaillés ? Non, il n’existe aucune limite. Si le télétravail est supérieur ou égal à trois jours par semaine, que devient la clause « lieu de travail » du contrat de travail ? Elle vaut pour les jours où le salarié se rend sur site. Le salarié peut-il se trouver n’importe où, par exemple à l’étranger ? Juridiquement, rien ne l’en empêche. Une entreprise peut-elle imposer le télétravail à domicile ? Oui. Mais l’entreprise ne pourra pas en revanche, sous couvert de cette clause, interdire au salarié de déménager. Webinaire animé par Dominique Le Roux, directeur du département social, et Clémence Andrieu, cheffe de rubrique au département HSE
1) Fin de l’état d’urgence
2) Mise en place du télétravail
3) Mise en œuvre du télétravail
4) Prise en charge des frais
5) Règles de sécurité pendant le télétravail
6) Restauration en période de télétravail
7) Temps de travail et télétravail
8) Lieu de télétravail