Le nombre de cas de burn-out reste préoccupant d’après un sondage du cabinet Empreinte Humaine publié le 20 octobre 2021 pour OpinionWay. Les cas de burn-out sévères auraient ainsi grimpé de 25% depuis mai 2021, dans un contexte de crise sanitaire marqué par l’anxiété, l’incertitude et l’apparition de nouvelles contraintes liées au travail à distance. Il toucherait majoritairement les managers. Depuis de nombreuses années, l’interconnexion des crises (sanitaires, économiques, sociales et environnementales) bouleverse notre quotidien, et notamment notre rythme et nos conditions de travail. Découvrez dans cet article ce qu’il faut savoir sur le burn-out.
Comment définir le burn-out ?
À l’origine, le burn-out est un terme issu de l’industrie aérospatiale qui décrit, lors du décollage d’une fusée, l’épuisement de carburant entraînant une surchauffe du moteur et le risque d’explosion de l’engin. Littéralement, le verbe « burn-out » signifie « griller » (un circuit électrique), « brûler », « se consumer, « s’user », « s’épuiser » en raison de demandes excessives d’énergie, de force ou de ressources.
En 1974, le burn-out a été pour la première fois associé à un « syndrome d’épuisement professionnel » dans le milieu des soignants à l’hôpital, dû à un déséquilibre entre le degré d’investissement des personnes dans leur travail, y compris émotionnellement, dans la durée et sans relâche possible, et d’autre part leurs ressources (incluant le degré de satisfaction). Puis il va être progressivement observé dans les organisations, touchant de plus en plus d’actifs, jusqu’à devenir aujourd’hui un sujet omniprésent.
La Haute Autorité de Santé définit le burn-out comme « un état d’épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel » alors que la personne ne retire pas la reconnaissance ou la satisfaction espérées en retour de ses efforts consentis.
Ce processus d’épuisement progressif des ressources s’installe à bas-bruit, avec des signaux faibles dans les premiers temps, et évolue par étapes sur plusieurs mois, voire des années, ce qui explique qu’il n’est pas toujours perceptible pour l’individu qui le subit, comme pour son entourage (milieu professionnel, famille).
Quels sont les profils “à risque” face au burn-out ?
Les profils le plus “à risque” sont souvent des personnes qui :
- ont des attentes élevées par rapport à l’organisation et au travail
- sont extrêmement investies dans leur travail ;
- ont une tendance à une forme d’idéalisation du « bien faire » et du « toujours plus », au perfectionnisme ;
- sont en quête de reconnaissance de l’employeur ;
- ont une motivation extrinsèque (agir maintenant pour recueillir des bénéfices plus tard)
- ressentent beaucoup de pression et de concurrence ;
Les profils “à risque” ont souvent l’impression de ne pas être à la hauteur et qu’ils doivent être irréprochables. Ce sentiment peut être lié à une mauvaise estime de soi.
Comment les victimes en arrivent-elles à ce stade ?
Les raisons pouvant expliquer un burn-out sont nombreuses et les types de burn-out variables en gravité et intensité. La personne en détresse se réfugie dans le repli sur soi, ses relations avec les autres peuvent devenir très difficiles, avec le risque d’éprouver un dégoût de son travail, une grave altération de la confiance en soi et en ses compétences, qui mènent parfois à un désir suicidaire. Il est ainsi important de réagir le plus tôt possible pour éviter d’évoluer vers un « burn-out complet », la forme la plus grave, lourde de conséquences sur le plan physiologique et psychologique, et qui entraînera un temps de guérison d’autant plus long.
Cela peut être favorisé par un contexte où il y a beaucoup de pression et de mise en concurrence :
- Un travail intensif dû à une augmentation de la charge de travail, du temps de travail, induisant un déséquilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle
- Des conflits de valeurs, un problème de qualité de travail empêchée par l’organisation du travail ou les attentes hiérarchiques,
- Un manque de contrôle et d’autonomie sur son propre travail
- La soumission à des injonctions contradictoires et paradoxales répétées dans le temps
- L’éclatement des collectifs de travail dont le rôle est un soutien fondamental des individu dans l’exercice du métier, doublé de l’absence ou du manque de soutien hiérarchique : l’individu se retrouve dès lors isolé
- Absence d’équité, vécu d’injustice
- Ressources (matérielles et humaines) insuffisantes ou absentes
Les profils “à risque” se mettent en position de surcharge de travail, soit par un défaut de confiance et/ou par un sentiment d’obligation qui les poussent à aller au-delà de leurs limites.
Le burn-out est l’une des conséquences d’un stress chronique, souvent lié à une forte pression et une charge de travail excessive dans la durée.
Le stress chronique est à différencier d’un stress ponctuel, dit « positif » car de courte durée. Ce dernier résulte de la pression créée biologiquement par le corps lorsque l’individu doit réagir rapidement à de nouveaux stimuli. Par exemple, le salarié doit finir rapidement une tâche telle que la production d’un article ou un support de présentation. Dans le cerveau, l’hypothalamus, et au-dessus des reins, les glandes surrénales vont secréter des hormones de stress (adrénaline et cortisol) afin de soutenir notre organisme dans un effort de performance. Sur un temps court, le corps est à même de réguler ce surplus d’hormones et tout rentre dans l’ordre.
En revanche, le stress chronique (lié à l’exposition prolongée et répétée à des situations intenses et stressantes) déclenche la sécrétion de ces hormones de stress en trop grand excès et sur une trop longue durée pour que le corps puisse avoir la capacité de les réguler. Ces hormones deviennent donc un poison pour l’organisme, générant par la suite diverses pathologies. Ainsi les profils “à risque” saturent et leur organisme se trouve endommagé sur le long terme.
Est-ce qu’il y a des signes avant-coureurs ?
Le burn-out est très différent d’une dépression, cette dernière étant catégorisée comme une maladie, à la différence du burn-out. En terme médical, il correspond à un « épuisement professionnel », à la fois physique et psychologique, dont la principale origine est la souffrance au travail.
Dans un cadre professionnel bienveillant, les managers attentifs à la charge de travail de leurs collaborateurs peuvent se rendre compte s’il y a un problème. Les signes peuvent se manifester à plusieurs niveaux (liste non exhaustive) :
- L’état émotionnel (anxiété, fluctuation d’humeur, irritabilité, crise de larmes, manque d’empathie, etc…)
- Le comportement et l’attitude (ex : démotivation, comportement passif-agressif, ressentiment, repli sur soi, etc…)
- Physiquement (ex: des troubles musculo-squelettiques, un mal de dos, des maux d’estomac, des maux de tête, des insomnies et réveils nocturnes avec l’angoisse du travail inachevé, la fatigue…)
Immergés dans un cercle vicieux, les individus fragilisés auront de plus en plus de difficultés à s’en sortir ou à se fixer des limites. Ils sont tellement motivés et désireux de “bien faire”, ne voulant surtout pas montrer leurs éventuelles défaillances liées à l’excès de fatigue, qu’ils ne perçoivent pas les signes avant-coureurs. De fait, ils les dénient.
“Il y a des cas de burn-out qui peuvent être déclenchés par une très forte déception. Par exemple, un manager à qui on a promis, au départ de son N+1, qu’il serait promu à ce poste. Il va travailler, sans relâche, en se donnant à fond pendant 10 ans, avec la motivation extrinsèque de recueillir les bénéfices plus tard. Finalement, le poste est alloué à un candidat extérieur ou à quelqu’un d’autre en interne. Cela peut provoquer une brutale décompensation, c’est-à-dire, un énorme écart entre l’investissement et le retour sur investissement. J’ai souvent vu ce type de situation en entreprise. La personne décompense complètement. Déjà épuisée, elle s’est acharné au prix parfois de sacrifices sur sa vie personnelle pour rien n’avoir en retour,” précise Sandrine, psychosociologue clinicienne chez Preventech Consulting.
Quels sont les moyens de prévention ?
Pour prévenir le burn-out, il faut que les collaborateurs et les managers connaissent bien les tenants et aboutissants afin de pouvoir les repérer chez les autres ou en soi. Le premier levier de prévention doit commencer par soi-même et par l’attention portée à ses plus proches collègues, comme le souligne le code du Travail.
La formation est primordiale à tous les échelons de l’organigramme d’une entreprise — directeurs du top management, managers de proximité, collaborateurs — afin que tous partagent une sémantique commune sur le burn-out, les profils “à risque”, les symptômes et les solutions.
Il est fortement recommandé de construire collectivement et de façon participative une culture d’entreprise centrée sur la qualité de vie au travail, intégrant la problématique du burn-out comme un sujet fondamental.
Par exemple, je préconise aux managers de réaliser des petits points “météo” afin de savoir comment se sentent les collaborateurs et s’ils ont des difficultés sur certaines tâches. Il faut au préalable créer un lien de confiance, car les collaborateurs n’osent pas dire quand ils n’y arrivent pas. Ce sera plus facile pour le manager de faire son travail d’accompagnement et d’évaluation des risques de surcharge. Si toutefois, le manager est attentif à ces aspects. Tout dépend de lui, de sa formation, et surtout de la culture de l’entreprise. Mais je tiens aussi à rappeler que les managers sont aussi et bien souvent victimes de burn-out, occupant une position où comme le disent certains, ils se retrouvent entre le marteau et l’enclume : par exemple, devoir préserver leurs équipes lors de changements radicaux tout en subissant la pression d’accélérer la mise ne oeuvre du changement, ils se retrouvent alors pris dans un conflit de valeurs…” précise Sandrine Chenivesse, psychosociologue clinicienne.
En conclusion, la véritable clé est la culture managériale de l’entreprise. D’où l’importance de former les managers au burn-out et de libérer la parole sur ce sujet. Un climat de confiance est essentiel pour que les collaborateurs qui se sentent mal puissent en parler à leur manager ou un collègue.
La formation des collaborateurs est tout aussi importante et complémentaire. Chacun doit pouvoir identifier les signes éventuels d’un début d’épuisement, en lui-même ou chez son collègue.
Très sollicité sur la prévention du burn-out, Preventech Consulting a développé un catalogue d’accompagnements spécifiques au sein des organisations : des formations classiques à l’adresse des managers et du top management, des formations à destination des référents RPS (CSE/CSSCT), des conférences pour l’ensemble des collaborateurs.
Concernant le format des conférences, nous préconisons une approche par le biais du théâtre qui facilite fortement l’accès aux contenus et la dimension participative, tout en permettant de traiter la dimension émotionnelle qui sous-tend certaines situations de travail :
- Le théâtre-forum (permet d’élaborer des pistes de solutions à partir de situations de travail et de libérer la parole autour des sujets abordés, animé par un intervenant psychosociologue clinicien),
- Les conférences théâtralisées et/ou clown : construites sur un choix de saynètes adaptées, inspirées de situations de travail recueillies en amont, elles impliquent les participants sur des sujets profonds abordés de façon ludique (avec 2 intervenants à la fois comédiens et psychosociologues)
- Prévenir le burn-out
- Prévenir le burn-out – Sensibilisation des collaborateurs
- Prévenir le burn-out – Sensibilisation des managers
- Mieux gérer et mieux vivre le stress au travail
Vers qui se tourner quand on se retrouve dans ces situations d’épuisement professionnel ?
Il faut consulter son médecin traitant ou le médecin du travail. Ils sont les seuls professionnels habilités à diagnostiquer si vous êtes en situation de burn-out. Après avoir vécu un burn-out, le collaborateur ou le manager doit être accompagné avant de reprendre le travail et lors de son retour dans l’entreprise. À cet effet, il est préconisé de planifier une visite de pré-reprise avec le médecin du travail, à l’initiative du patient, du médecin traitant ou du médecin-conseil des organismes de sécurité sociale, à tout moment pendant l’arrêt. Celle-ci peut être répétée. Elle est essentielle pour l’accompagnement de la réinsertion socioprofessionnelle, et obligatoire pour les salariés en arrêt de travail d’une durée de plus de 3 mois.
Comment éviter les rechutes ?
« Prendre soin de soi” doit être le nouvel impératif pour la personne qui a vécu un burn-out. Il est recommandé de suivre une thérapie. Ce travail d’introspection est bénéfique avant de reprendre son activité professionnelle et dans le long terme. Il va permettre d’éclaircir certains points, dont les raisons du burn-out.
D’ailleurs, il arrive parfois que des personnes ayant subi un burn-out restent fixée sur l’idée que c’est la faute de l’employeur ou de leur manager. Mais il faut garder en tête qu’on est toujours co-acteur d’une situation, et à plus forte raison dans le processus du burn-out. Il faut avoir le courage de se demander comment on en est arrivé là, d’identifier dans sa propre histoire les facteurs qui ont empêché de se préserver, de reconsidérer ses propres limites et de savoir les reconnaître pour en tenir compte à l’avenir. Cela passe par un profond rééquilibrage du rapport au travail et à la vie personnelle, qui bien évidemment bousculent un schéma identitaire tout en favorisant l’évolution vers le meilleur de soi.
Article basé sur un entretien avec Sandrine, psychosociologue clinicienne et psychanalyste à Preventech Consulting.