La fragilité en entreprise : état des lieux et accompagnement
La notion de « fragilité » ne bénéficie pas d’une définition standardisée. Elle renvoie le plus souvent à un moment de rupture, temporaire ou permanent, qui vient bouleverser le quotidien d’une personne. Maladie, situation d’aidant, deuil, handicap, sentiment de perte de compétences… la fragilité se nourrit de facteurs personnels et professionnels. Décryptage…
Fragilité personnelle et professionnelle : deux faces d’une même pièce
La fragilité prendra différents sens en fonction du prisme considéré. Sur un plan socio-économique, sont qualifiées de « fragiles » les personnes souffrant d’une maladie grave ou d’un handicap lourd. La fragilité personnelle englobe également les proches aidants de personnes en perte d’autonomie, ceux qui souffrent de difficultés financières « structurelles », par exemple une situation de surendettement ou encore les personnes endeuillées.
Dans la mesure où elles peuvent impacter la vie au bureau, les fragilités personnelles entrent dans la définition de la fragilité professionnelle. S’ajoutent ensuite les maladies professionnelles, les accidents de travail, les réorganisations internes sans accompagnement, l’évolution subie du métier ou du poste, un sentiment de perte de compétences (digitalisation par exemple), une situation d’isolement professionnel, etc.
Bien entendu, un même salarié pourra cumuler plusieurs fragilités. En réalité, un élément déclencheur peut provoquer d’autres fragilités lorsque le salarié ne bénéficie pas d’un accompagnement adéquat. Un collaborateur qui doit prendre en charge un proche devenu dépendant peut très vite être dépassé par les événements, avec un impact sur son rendement, un isolement professionnel et éventuellement un sentiment de perte de sens.
Les chiffres inquiétants de la fragilité au travail
La maladie, la perte d’autonomie d’un proche et le deuil font partie des aléas de la vie. Ces déclencheurs exogènes expliquent d’ailleurs la prévalence élevée de la fragilité au travail.
Plus d’un salarié sur deux (56 %) dit connaître une situation de fragilité, et 91 % des dirigeants déclarent employer au moins un collaborateur dans ce cas selon une étude de l’assureur Malakoff Humanis. Aussi, 19 % estiment connaître à la fois une fragilité personnelle et professionnelle. Si tous les profils sont concernés, l’étude met en évidence une sur-représentation des femmes, des seniors, des faibles revenus et des personnes qui ont connu de longues périodes d’inactivité.
Les déclencheurs de la fragilité personnelle et professionnelle se sont exacerbés depuis quelques années. Une étude Capterra menée auprès de 994 salariés français qui n’ont pas changé d’employeur depuis janvier 2020 a tenté d’évaluer la santé mentale en entreprise depuis la pandémie. Synthèse :
- Seuls 49 % des salariés estiment que leur santé mentale est « au moins bonne »… une baisse vertigineuse de 28 % par rapport à l’avant-pandémie ;
- Dans le même sens, 16 % de salariés qualifient aujourd’hui leur santé mentale de « mauvaise » ou de « très mauvaise »… soit quatre fois plus qu’avant la pandémie ;
- On note également une augmentation du sentiment de stress au travail malgré l’amélioration de la situation sanitaire. Ainsi, 19 % de salariés se disent plus stressés en 2022 qu’en 2021 (21 % pour les femmes) ;
- Capterra évoque trois principaux facteurs de stress : l’augmentation de la charge de travail (36 %), le manque de soutien de la part du manager (23 %) et l’inquiétude sanitaire (22 %).
Une autre étude signée Malakoff Humanis alerte sur la santé mentale des salariés de moins de 30 ans : 48 % déclarent mal dormir, 42 % se disent stressés et 34 % sont émotionnellement épuisés, voire à bout de force (29 %).
La fragilité au travail : toujours tabou dans l’entreprise ?
L’analyse des chiffres de la fragilité abonde en tout cas dans ce sens, avec des salariés et des managers qui semblent attendre que l’autre fasse le premier pas.
D’un côté, 73 % des salariés estiment que l’entreprise est bien placée pour intervenir sur les fragilités professionnelles (Malakoff). De l’autre, 50 % des dirigeants évoquent des freins qui les empêchent de s’engager auprès des collaborateurs fragiles, le premier étant « la peur d’être intrusif » (Harris).
Le « silence » des salariés, qui vivent le plus souvent leur fragilité de manière isolée, est motivé par plusieurs éléments que l’on peut résumer par « le culte de la performance ». En effet, les salariés expliquent leur discrétion par la crainte du licenciement et la peur d’être pénalisés dans leur vie professionnelle. Le verbatim de l’étude Malakoff Humanis est éloquent :
- « Dans le milieu professionnel, on n’a pas le droit d’être fragile » ;
- « Je ne veux pas être exclu de l’entreprise ou être jugé par mes collègues parce que j’ai une fragilité ».
Ce silence subsiste alors que deux tiers des dirigeants estiment qu’il est « normal » d’avoir des salariés en situation de fragilité dans l’entreprise. La crainte d’être jugé, mais aussi le déni et le repli sur soi compliquent la tâche des managers qui peinent à détecter les signaux faibles pour ensuite mettre en place des actions adaptées. Dans certains cas, le manque de formation des managers et l’absence d’une relation de confiance avec les salariés exacerbent ces difficultés.
Le gap entre les attentes des salariés et les actions d’accompagnement des managers
Aujourd’hui, 87 % des dirigeants « jugent utiles » de mettre en place des actions pour accompagner les salariés en situation de fragilité. Ils font toutefois preuve d’une certaine maladresse selon les salariés. En effet, si 43 % des collaborateurs attentent un effort de compréhension, d’écoute, d’empathie et de soutien, les dirigeants semblent favoriser des actions matérielles et organisationnelles, avec l’aménagement des horaires de travail ou des avances sur salaire.
L’étude souligne que les salariés n’ont que rarement connaissance des dispositifs mis en place par l’entreprise pour accompagner la fragilité. Le premier chantier est donc celui de la communication, que ce soit en les informant sur les leviers ou en organisant des entretiens individuels pour privilégier la verbalisation ou, à minima, l’expression des signaux de fragilité. Des tableaux de bord peuvent être mis en place avec des indicateurs comme l’absentéisme, les retards, les arrêts-maladies, etc. Quel que soit le cadre opérationnel déployé, il n’y aura jamais de réponse unique, mais des solutions coconstruites et adaptées aux circonstances.
Mais encore…
Plus largement, le paradigme managérial doit considérer que les salariés sont avant tout des femmes et des hommes avec des parcours de vie différents, capables de prouesses professionnelles, mais aussi de passages à vide sous le coup des aléas de la vie et des mutations du monde du travail.
Fort d’une expérience de plus de 18 ans dans la mise en place de stratégies et d’actions collectives et individuelles au service de la Santé et de la Qualité de Vie au Travail, le cabinet Preventech Consulting intervient auprès des entreprises pour aider les managers à adopter la bonne posture et à activer les bons leviers d’accompagnement de la fragilité. Discutons de votre besoin !